Marana, petite bourgade pour les lépreux, sur les pentes de la montagne Kianjasoa à 7 km distance de Fianarantsoa. Là-bas, il n'y a rien de particulier sauf le fait que le Grand Fils de la Nation Polonaise le premier, a fait sa grande œuvre en construisant le premier hôpital pour les lépreux, digne de ce nom , avec l'aide généreuse de ses concitoyens de Pologne. Un chemin serpente vers l'hôpital parmi les roches et la forêt d'eucalyptus. Sous le toit de ce "palace" dirait-on " les poussins noirs" du père Jan (Il appelait ainsi les malades sous sa tutelle) y ont trouvé les conditions dignes de vie et les soins dont ils avaient tellement besoin.
Cet hôpital jusqu'à nos jours porte le nom mystérieux de MARANA. Que veut dire ce mot ? Comme disent les anciens de cette région Marana c'est le (pré)nom du propriétaire de cette colline qui vivait dans la deuxième moitié du XIX siècle. Il descendait d'une famille d'aristocrates, probablement il était même un descendent de la famille des princes. Malheureusement pour lui, victime du sort, il s'est infecté et il est tombé malade de la lèpre. Donc il ne pouvait pas habiter avec sa famille. Il devait quitter sa maison et vivre à l'écart, de peur que d'autres membres de famille ne contractent cette terrible maladie. Comme disent les anciens de cette région, sa famille a construit pour lui une maison sur la montagne Kianjasoa qui faisait partie du patrimoine de la famille. Les ruines de cette maison étaient visibles il y a peu de temps. Les vieillards disent qu'on pouvait regarder les ruines il y a encore quelques années.
La présence sur la colline du lépreux prince Marana attirait d'autres lépreux qui vivaient dans les grottes rocheuses environnantes. Puis ce prince aurait donné ce terrain aux lépreux comme un lieu de refuge quand ils étaient chassés de leurs villages et bourgades. Quelque temps plus tard les missionnaires jésuites, entre autres le frère Dursap et d'autres qui une fois par semaine fournissaient les denrées aux lépreux ont construit pour eux une petite maison, qui leur servait de refuge.
Enfin le père Jan Beyzym a planifié et réalisé la construction de l'hôpital sur le terrain transmis par le prince Marana. Telle est l'histoire racontée. Officiellement on sait que le premier petit refuge pour les lépreux portant le nom de Saint Lazare a été construit par le frère Dursap. Dès le début des missions, les missionnaires catholiques ne restaient pas indifférents envers la lèpre. Remplissant ces tâches, les missionnaires ne se focalisaient pas sur les aristocrates ni les gens aisés des pays où ils travaillaient mais sur les prisonniers, personnes rejetées, malades et aussi souffrants de lèpre. Cette maladie avec des conséquences désastreuses, contagieuse et en ce temps-là incurable semait la panique et la terreur. Les missionnaires intrépides et inlassables aidaient les lépreux dans la mesure de leurs possibilités. Dans la localité Fianarantsoa depuis 1886 ils ont offert aux lépreux un refuge dans le jardin appartenant à leur résidence, un peu plus tard ils ont construit pour eux, pas loin, env. 45 minutes, de marche depuis leur résidence en montagne, actuellement le terrain de Marana, une léproserie. Le frère Dursap, mentionné ci-dessus, entretenait et gérait le refuge jusqu'à 1902, date quand le père Jan Beyzym est venu là-bas. Environ une soixantaine de lépreux vivaient dans ce refuge tout comme vivent les autres habitants du village. Ils se mariaient, s'occupaient, dans le cadre d’exercices thérapeutiques, de l'élevage et de l'agriculture (manioc, patates). La seule cure qui leur était appliquée c'était l'administration de la quinine et du sel de Sedlitz.
En 1892 le gouverneur Ranavalony III de la dernière reine de Madagascar leur a octroyé une parcelle de 50 hectares, nécessaire pour la construction de l'hôpital. En plus, le seul fait que le père Jan Beyzym est venu à Marana a changé tout. Expérience acquise au service des malades de la lèpre à Ambahivoraka lui disait que la lèpre doit être traitée comme une grave maladie et la vie des malades doit être organisée à l'instar de celle des hôpitaux. A Marana le père Jan a habité une petite maison d'un étage qui était placée au bout d'un long rang de maisons en briques non cuites, couvertes de paille sans cuisine ni cheminée. Le père Jan a organisé les fonctions pastorales pour les malades, qui par leurs aspects extérieurs rappelaient les momies couvertes de draps qui durant le jour leur servaient de vêtement et la nuit leur servaient de lingerie.
Sous ces draps de lit ils cachaient leurs visages, gonflés, avec de nombreuses plaies purulentes et des cavités dans le corps. Le père Beyzym a initié les leçons systématiques de catéchisme et morale. Il organisait des exercices spirituels et non sans résultat. Ses élèves confessaient leurs péchés volontiers, communiaient. Les catéchumènes voulaient qu'on les baptise et attendaient impatiemment ce moment. Personne n'a quitté ce monde sans sacrements. Certains malades de Ambahivoraka sont venus chercher le père J.Beyzym à Marana, à pied, 395 km sans manger ni dormir. Ils disaient que dans le refuge d'état ils ont reçu du riz et de la viande sans limite mais leur âme ne peut pas y perdurer sans prière ni vie catholique. Grace à l'aide de ses compatriotes Polonais le père Jan a construit pour ses "poussins noirs" l'hôpital avec 250 lits, eau courante directement des montagnes avoisinantes, une église, deux bâtiments auxiliaires; l'un pour les sœurs soignant les malades, le deuxième pour les jésuites. Pour réaliser ce vaste projet dans ce lieu désert il fallu presque 10 ans.
Il y avait beaucoup de difficultés et obstacles. Il existait une opposition contre la nouvelle méthode du père Beyzym, on a même interrompu les travaux. Pourtant le père Beyzym, pas à pas a surmonté ces difficultés avec la confiance d'enfant à la Sainte Vierge et la Providence Divine. Enfin grâce à Dieu et la générosité des Polonais qui sans cesse envoyaient leurs petites épargnes pour cette construction, les travaux ont été terminés. Les Polonais habitants à l'étranger et surtout ceux des Etats Unis y ont contribué aussi en grande partie. Certains matériaux de construction par exemple le fer-blanc a été acheté et envoyé d'un pays qui ne figurait pas sur le carte du monde, pays sur la Vistule. La marchandise a été expédiée en bateau à Manakara, env. 250 km de Marana de là transportée par les portefaix, sur la tête, presque 3 semaines de marche.
Le fer-blanc polonais recouvrant les toits des bâtiments de l'hôpital à Marana a persisté jusqu'à aujourd'hui. On peut le voir dans un bon état bien qu'il ait plus de cent ans. Pourtant la construction en bois étant faible certaines parties du toit nécessitent la rénovation. L'ouverture de l'hôpital a été prévue pour le 15 août 1911, fête de l’Assomption de Marie Vierge qui jusqu'à nos jours reste sa protectrice et patronne. Pourtant, suite à une panne des tuyaux d'eau (toute l'installation a été faite par le père Beyzym mais ce jour-là quelque chose s'est détraqué) l'inauguration e été reportée pour le jour suivant, le 16 août car tous les malades qui devaient être reçus à l'hôpital avaient l'obligation de se laver et changer les vêtements. Quelque temps après l'hébergement des lépreux dans leurs chambres, le père Jan lui-même s'est affaibli. Durant sa maladie il souffrait beaucoup. Des escarres ont apparu sur son corps, il gémissait la nuit, à la demande s'il ressent une douleur il répondait que "ce n'est rien en comparaison avec les souffrances de Jésus-Christ". Avant sa mort il a demandé à un confrère jésuite qu'il aille et demande pardon en son nom aux lépreux pour tout ce qui a causé leur chagrin ou leur a fait du tort. En réponse tous les malades ont éclaté en sanglots.
Le 2 octobre en 1912 le père Beyzym extenué par le travail surhumain et un mode de vie très dur est mort. Après la mort du missionnaire polonais la presse malgache a écrit:" La plus grande louange de cet homme est le fait que par l'amour de Dieu il cherchait à être serviteur des lépreux, il a obtenu cette approbation. Il faisait des travaux qui pourraient être une peine de condamnation des assassins et le père Beyzym a aimé de tout son cœur ce travail".
Il y a 10 ans, le Pape béatifié a confirmé la sainteté extraordinaire du père Benzym SJ le Samaritain polonais au service des lépreux, c'était le 18 août 2002 à Błonie krakowskie ( Lieu de réunions près de Cracovie).Le Pape l'a élevé à la gloire des Autels.
Le samaritain polonais - le Bienheureux Père Jan Beyzym - est pour nous, encore aujourd'hui l'exemple de l'amour du prochain, amour endurant, patient. Il est pour nous le modèle montrant comment donner tant d'amour à ceux qui l'attendent.
P. Czesław Tomaszewski SI