SILHOUETTE DU PÈRE JEAN BEYZYM

Grâce aux écrits du Père Jan Beyzym et surtout aux lettres, aux témoignages de ceux qui l'ont connu personnellement, nous pouvons sans aucun doute, erreur ou exagération démontrer d'une façon synthétique les principaux traits de sa spiritualité.

Il faut ici souligner en premier lieu la foi avec une espérance inébranlable et l'amour persistant dans les plus difficiles circonstances de la vie. Toujours fidèle et attentif Il agissait avec discernement à la recherche de la plus grande gloire Divine et du Bien-être général des gens qui lui étaient confiés, les plus nécessiteux, les plus malheureux - ses "poussins noirs"- les lépreux à Marana. Un grand et durable culte de la Volonté Divine se faisait voir dans la vie quotidienne, l'amour de la volonté Divine et une confiance sans limites en elle. L'amour ardent et humble de la personne de Jésus-Christ, dans le mystère de sa croix, de l'Eucharistie et Des plus petits frères. Tout cela faisait partie de Lui couronné par la messe dédiée à la Mère de Jésus Maria. Cette particularité qui lui est bien propre le place à côté de Saint Maksymilian Maria Kolbe. On peut y ajouter le culte des anges gardiens et des Saints Protecteurs. L'attachement à l'église catholique, issue de la tradition de la nation (semper fidelis) et de formation religieuse. Souci pour atteindre le but et la chasteté, être libre de toute faute contre la foi et de tout péché.

L'amour soucieux et protecteur envers les lépreux est lié d'une façon naturelle au zèle catholique pour sauver toute âme, surtout à Madagascar et Sachalin. Bref, ce souci ce zelus animarum le ronge. De là vient une douleur persistante, cause des péchés, des démarches têtues durant dix ans pour avoir un vrai hôpital non seulement pour le bien des corps mais aussi pour le bien des âmes confiées. Plus loin on voit des traits typiquement propres à Ignace; critères de choix de travaux etdes services apostoliques, l'amour avec discernement (caritas discreta ) qui veut et sait choisir ce qui en un moment donné sert à la plus grande gloire de Dieu et au bien plus large des gens, l'amour servant les missions, apostolique, prêt à changer de place pour mieux servir les autres et peiner sur la terre infertile par ex. à Sachalin. En d'autres termes une typique mobilitas ignatiana. Une qualité d’obéir car le Père Beyzym ne s'aventure pas de son propre chef, mais il est envoyé dans le cadre d'Eglise par ses Supérieurs. Son activité de missionnaire est dans les limites d'obéissance même quand il doit faire appel contre ses supérieurs aux plus hautes instances. Souvent cette obéissance était douloureuse.

Il désirait toujours "plus" - magis c'est à dire sa magnanimité est activée et s'appuie sur la solide base de la "sainte indifférence" donc prêt à tout ce qui sera exigé de lui par la Volonté de Dieu, la Volonté de la Sainte Vierge et qui se manifeste dans la volonté de ses Supérieures ou dans différentes situations quotidiennes. C'est la base de liberté spirituelle, d'être à la disposition de Dieu et en même temps, une certaine pauvreté spirituelle, car sans biens matériels ni sa propre volonté ni prédilection. Il doit obéir à la volonté et aux préférences de Dieu. De cette façon il veut être un outil soumis à Dieu et à Marie-Vierge dans la réalisation des plans du Créateur et Sauveur.

Tout ce qui se passe dans la vie du Père Jan Beyzym se fait en liaison avec une constante prière. La prière c'est pour ainsi dire le souffle de son âme à l'exemple du Saint Ignace Loyola, "contemplatif dans ses activités". Travailleur, sans sommeil suffisant, plein de soucis quotidiens, ayant mille difficultés mais en même temps homme de prière qui est la source de sa force. Sans avoir trop de temps pour faire ses prières il a prié partout et toujours en cherchant et trouvant Dieu surtout dans Les Exercices Spirituels et la Constitution de la Compagnie de Jésus. Il y a en Lui une particulière caractéristique de Paul; le déchirement du cœur entre le désir de Ciel et le soupir après Dieu, Jésus , Maria et le désir de rester ici sur terre pour servir autant que possible les plus nécessiteux d'entre les hommes, qu'il ne veut pas abandonner (cf Flp 1,21-24).

Le Père Beyzym était un homme simple et honnête et ce qui s'en suit humble. La simplicité de ses lettres ou il évitait toute exagération non seulement du contenu mais aussi du style, le démontre il considérait les choses qu'il faisait comme son devoir tandis que les autres l'auraient considéré comme un héroïsme de sa part. Il s'adonnait avec dévouement aux pauvres et humbles misérables; tout ce qui était bon était attribué à Dieu, à ses dons à la protection de Marie et aux prières de ses proches pour lui et ses "poussins". Il avait conscience de sa modestie et faillibilité, plus encore, de son indignité et inclinaison au péché - voilà la manifestation de son caractère humble. Mais c'est une soumission courageuse et patiente car elle ne s'appuie pas sur elle même, n'a pas de ?confiance en lui ?. Le Père Jan Beyzym est courageux par le don de force, il est patient comme un homme qui contemple Jésus crucifié il sait qu'il n'y a pas de lieu sur terre sans ennuis et que le proverbe latin dit per crudem ad lucem. Bien que parfois il bouillonne de colère, il est soumis à la volonté de Dieu et de la Sainte Vierge, il persiste, souffre, attend et supporte tout cela patiemment. Il répète souvent les paroles de Dieu: " Dans votre patience vous entrez en possession de vos âmes" (Luc 21,19).

Parce qu'il est humble il sait être reconnaissant. La reconnaissance est un très beau trait de sa spiritualité, Il est reconnaissant sincèrement à Dieu, à la Sainte Vierge, et aux gens, pour tout. Souvent ayant la conscience de son incapacité et faiblesse il prie la Sainte Vierge qu'elle récompense le bien qu'on lui a fait ainsi qu’à ses assistés. Il est trop judicieux, honnête et humble pour devenir ingrat.

Le Père Beyzym est pauvre et il aime la pauvreté, surtout qu'il vit parmi les plus misérables, souffrants de malnutrition ou même mourants de faim. Il vit très modestement en économisant de l'argent, pas mieux que ses "poussins noirs" en partageant en tout leur sort. Il les aime, il est solidaire avec eux dans leur pauvreté. La vie quotidienne du Père Beyzym était difficile, dure, mortifiée. Il n'assouvissait jamais ses propres désirs, vivant parmi les lépreux comme l'un d'eux, il partageant leur sort durant quatorze ans. La vie a vérifié son amour avec dévouement envers Jésus, l'amour de ces pauvres et malheureux frères et sœurs. En plus il ne se plaignait jamais, il ne considérait pas cette façon de vivre comme un sacrifice.

Il était réaliste, un homme pratique et prévoyant, il savait apprécier justement une situation, il détestait les demi-mesures et ce qu'il appelait "provizorium". Il n'aimait pas les mots sans signification; " plus tard", "après". Par contre quand il fallait attendre et il n'y avait pas d'autre issue Il y voyait la volonté de Dieu et savait patiemment attendre.

Le Père Jan Beyzym - esprit amical (il avait beaucoup d'amis) était très humain, simple, sans affectation, ouvert et sincère. Ses lettres pleines de légèreté et d'authenticité peuvent émouvoir le cœur des lecteurs justement pour cette cause, il y a là aussi la simplicité, humilité, avec parfois une note de plaisanterie mais sans âpre ironie.

Sa sagesse et discrétion étaient liées à un souci de former les proches et surtout ne pas démoraliser personne. Ce qu'il écrivait dans ses lettres confidentielles à ses amis et ce qui était souvent douloureux devait rester caché comme motivation de prier pour lui et sa vie difficile sans rien divulguer.

Bien élevé dans sa famille, dans les temps difficiles de domination étrangère, son adolescence était dure, pauvre et laborieuse. Bien élevé aussi dans l'ordre religieux il a passé son adolescence et sa jeunesse en travaillant pour l'éducation et l'infirmerie dans les collèges de Tarnopol et Chyrów. Les dernières années (de 48 à 62 ans) ont été vouées au service des lépreux sur la terre lointaine, jusqu'à l'âge de son épuisement. L'homme d'une croyance inébranlable, de grand espoir et de l'amour si souvent vérifié, l'homme de bonté et de miséricorde, un religieux remplissant sérieusement sa vocation et reconnaissant à Dieu et à la Sainte Vierge, apôtre ardent cherchant à sauver les âmes, en quête d'un bien durable et persévérant dans sa réalisation, affrontant les difficultés avec audace, souvent découragé mais à l'aide de grâce divine il n'a pas succombé aux tentations. Le père Beyzym était le serviteur de Dieu et des hommes, un brave homme à l'âme d'un enfant dans le sens évangélique du terme.

Il n'y avait rien en lui qui soit tiraillé par les contradictions comme chez Hamlet, par contre beaucoup de vertus de Saint Jean Baptiste, fidèle ami de Jésus, Serviteur qui savait bien quelle est sa modestie face à la grandeur de Dieu et qui n'avait rien de commun avec le roseau se pliant au vent. Il en émane une forte croyance et l'amour, simplicité de tous les jours animée par le désir d'un don plus grand (magis) de se consacrer aux autres, sans penser à soi. L'homme de préexistence, fidèle imitateur de Jésus délivré à Dieu et aux hommes, surtout à ceux qui sont les plus méprisés et rejetés par tout le monde. C'était l'amour de Jésus crucifié dans ses membres souffrants. C'est à cet amour que le père Beyzym est resté fidèle jusqu'au bout, - jusqu'à sa mort tellement douloureuse.

P. Mieczysław Bednarz SJ